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Togo: Debbasch et le maintien de Faure Gnassingbé au pouvoir
18 mars 2017   -   Par Kouamivi Sossou

Nous partirons d’un récent ouvrage pour exposer la situation politique dans laquelle se trouve le Togo. L’auteur se présente comme le signataire de plus de cinquante ouvrages, ancien patron de presse, collaborateur de plusieurs chefs d’Etat. Pourtant, aucun site Internet ne nous fournit sa biographie. En réalité, il n’existe pas. Koffi Souza n’est que le pseudonyme à consonance sud-togolaise de Charles Debbasch, un septuagénaire de nationalité française, avocat et professeur de droit de son état.

   Un auteur qui s’avance masqué

Debbasch fut conseiller technique de Giscard à l’Elysée entre 1978 et 1981. C’est Giscard qui   l’introduisit au Togo auprès du président d’alors, Eyadema. En 1991, au moment où la conférence nationale (une de ces assemblées issues de la « société civile » qui essaimèrent en Afrique après le discours de La Baule) mettait en péril le maintien au pouvoir du potentat togolais, Debbasch aida ce dernier de ses conseils avisés pour retourner la situation.

Il sera plus présent encore au Togo lorsque son statut judiciaire deviendra critique. Président de la fondation Vasarely, il est accusé d’avoir détourné des toiles de ce peintre d’origine hongroise, d’une valeur de 400 000 euros au moins. Il s’emploiera à faire durer la procédure, mais il n’échappera pas à une incarcération de trois mois en 1994. Le 11 mai 2005, la cour d’appel d’Aix-en-Provence le condamnera définitivement à deux ans d’emprisonnement pour abus de confiance.

Déjà depuis 1999, il possède un domicile à Lomé, une Mercedes de fonction, du personnel de service et de sécurité lui sont également octroyés. Le 5 février 2005, Eyadema rend son dernier soupir, après 38 ans de pouvoir. Le statut de Debbasch va alors changer. Eyadema l’employait, mais sans le mettre en avant. Son successeur s’affranchira de toute honte à son égard. Selon la Constitution du Togo, l’interim devait être exercé par le président de l’Assemblée nationale, Natchaba. Or, les ambitions de ce dernier inquiètent les enfants d’Eyadema, qui s’assurent du soutien de la hiérarchie militaire pour réaliser un coup de force. La fermeture des frontières du Togo est décidée. Pourtant, alors que Natchaba et Debbasch se trouvent en même temps à Cotonou où ils sont tous deux arrivés par le même avion, un appareil est affrété en faveur du second. Il s’agit évidemment d’empêcher le retour du seul Natchaba.

Debbasch, sitôt débarqué, va mettre au point un tour de passe-passe constitutionnel (ce que le président de la commission de l’OUA et ancien président du Mali, Konaré, appellera une debbascherie) pour que le pouvoir soit assuré par Faure Gnassingbé, l’un des fils d’Eyadema. Devant le tollé que le procédé soulève à l’étranger, Faure laissera au docile Bonfoh le soin d’assurer l’interim … avant d’être lui-même élu à la présidence de la République à la place de son défunt père. Debbasch avait proposé à cette époque de déposer des armes au domicile de Natchaba pour ensuite l’accuser de fomenter un coup d’Etat. Nous retrouverons ce procédé dans une autre circonstance.

Dès lors, Debbasch sera le véritable maître du Togo, par délégation de Faure accaparé par ses plaisirs. Aucun texte n’est adopté (des textes volontairement imprécis, propices à interprétations multiples), aucune nomination à un poste en vue ne se fait sans l’aval du « mercenaire en col blanc », qui est officiellement conseiller à la Présidence avec rang de ministre.

L’ouvrage de propagande d’un Machiavel tropicalisé

Le livre dont nous rendons compte n’est autre chose que le recueil des éditoriaux parus entre 2006 et 2008 dans l’hebdomadaire gouvernemental,L’Union, qu’anime Debbasch. C’est dire si l’ouvrage ne révèle rien, ne contient pas la moindre analyse profonde, et se borne à chanter les louanges de celui que nous pouvons bien appeler Bébé Dinosaure, Faure, fils de cet Eyadema que certains caricaturistes représentaient couvert des écailles du carnivore préhistorique.

L’auteur a surtout en vue les relations extérieures du Togo qui l’héberge, le couvre d’honneurs et d’argent.  Debbasch ne mégote pas, on s’en doute, les flatteries en direction de Faure : homme de volonté, soucieux de bien faire, patient (p. 70), solide (p. 89). Il va même jusqu’à lui reconnaître, certes au figuré, la « mobilité d’une gazelle » (p. 26), alors qu’on connaît l’allure pataude et lourdaude du personnage.

L’essentiel de l’ouvrage tend à souligner que Faure a permis la reprise de la coopération internationale, qui avait été suspendue en 1993, et qu’il a su intégrer des opposants dans son     gouvernement. La reprise de la coopération a été décidée, il faut le souligner, dès lors que      les élections législatives se sont tenues, mais aussi alors que des dirigeants nouveaux          arrivaient aux commandes de l’Union européenne (le rôle d’un Louis Michel mériterait             qu’on s’y attarde), de la France et  de l’Allemagne – qui pesait jusqu’alors de tout son poids        dans l’ostracisme décidé à l’encontre du Togo.

Quant à l’arrivée au gouvernement de ministres qui se disaient opposants, il faut garder à l’esprit une donnée essentielle de la vie politique togolaise : il n’existe aucune opposition idéologique, les affrontements ne sont que des querelles d’ambitieux, et l’ambition est d’abord celle de s’asseoir à la table du festin. D’autres opposants ont été gagnés par Faure sans être promus ministres, tel le correspondant local de Radio-France Internationale, Guy Mario, qui  fut pendant trois ans conseiller à la Présidence. 

Ces deux prouesses diplomatiques (l’apprivoisement des prétendus opposants, et surtout la relance de la coopération) sont-elles à verser à l’actif de Faure, dont le mutisme étonne lors des réunions internationales ? Il est permis d’y voir plutôt la patte de Debbasch. Mais lorsque Debbasch, s’écartant des actifs que le Togo doit à sa capacité manœuvrière, salue les « grands progrès accomplis dans la bonne gouvernance » (p. 172), un pays qui « porte les valeurs de l’Etat de droit » (p. 140), les « progrès de l’Etat de droit » (p. 64), il profère de purs mensonges. Quelques exemples en administreront la preuve.

Le 15 avril 2009, survient un événement digne des Pieds Nickelés. Kpatcha, demi-frère de Faure, député et ex ministre de la Défense, est arrêté sous l’inculpation de fomenter un coup d’Etat. Des armes sont découvertes chez lui, ce qui rappelle le procédé dont Debbasch se proposait d’user quatre ans plus tôt contre Natchaba. Nul ne croit au Togo à la culpabilité de Kpatcha, victime de ce qui ressemble beaucoup à un coup monté.

Un autre fait des flagrants progrès de l’Etat de droit : le Togo est depuis plusieurs années une plaque tournante du trafic de stupéfiants. Les enquêtes s’arrêtent à un certain niveau, car il est de notoriété que des caciques du régime sont impliqués dans cette très juteuse activité. Le livre de Debbasch est bien entendu muet sur la question.

Pas davantage il n’est question de l’opacité des finances publiques du pays. Il est pourtant connu que les recettes du port partent directement dans la caisse de la Présidence, qui peut ainsi jouer le rôle politiquement gratifiant de Père Noël à l’occasion de certaines catastrophes, et s’attacher certaines fidélités. Ce n’est pas la création d’une institution fantoche, la Cour des Comptes, qui mettra bon ordre dans la gestion des finances publiques.

Nous n’évoquons que les questions d’Etat de droit, qui sont les seules que Debbasch a le front de porter à l’actif de son champion. Pourtant, nul ne s’en soucie au Togo, les opposants pas davantage que les autres. Il est vrai qu’à l’étranger ces questions sont sensibles, et que le livre est destiné à un lectorat européen. Debbasch néglige ce qui devrait être l’essentiel, le socle sur lequel on bâtit un pays, le développement économique. Seul le développement permettrait aux populations de travailler et de vivre dignement chez elles. Dans le domaine du développement, tout ne dépend pas de l’Etat, mais beaucoup de mesures relèvent de sa compétence : réforme foncière, politique des importations, attrait des investisseurs, etc. Toutes ces questions, qui engagent l’avenir à long terme, n’intéressent évidemment pas les dirigeants Togolais.

Pour clore ce commentaire, que nous avons voulu largement ouvert sur la situation togolaise réelle, nous dirons en résumé que le Togo reste le champ patrimonial de la famille Gnassingbé, qui accepte d’en partager les profits avec des gens qui se présentent comme des opposants, surtout à l’étranger où ce statut leur vaut des retombées. Le pays est géré à courte vue, sans aucune ambition de permettre à ses enfants, de plus en plus nombreux, d’y travailler et d’y vivre. L’Etat de droit n’y est que de pure apparence. Debbasch, vizir blanc de ce pays, remplit avec finesse sa mission qui est de déjouer à l’intérieur comme à l’extérieur les pièges politiques et de dénouer les crises. Sa maestria digne du Florentin permet au régime de durer.

 

 

 

 

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