À l'exception sans doute d'Alassane Ouattara, ami de longue date, les chefs d'État africains n'aimaient pas Sarkozy président : ils le supportaient. Son arrogance, ses leçons, la désinvolture avec laquelle il les recevait à l'Élysée en quinze minutes café compris entrecoupées de coups d'oeil compulsifs à sa Rolex, son ambition parricide dans l'ombre de Jacques Chirac et par-dessus tout son agitation perpétuelle… Il n'y a rien de plus rédhibitoire pour un chef africain que l'agitation. Quant à l'opinion, elle s'est depuis longtemps forgée une opinion majoritaire : l'homme du calamiteux discours de Dakar, celui qui a livré Kadhafi et Gbagbo, ne pourra que mal finir.
C'est dire donc si l'autre Sarkozy, le mis-en-examen au teint hâlé et à la barbe de trois jours, soupçonné de corruption active et de trafic d'influence, ne déclenche aucun élan de compassion sur le continent. Pourquoi en serait-il autrement d'ailleurs, puisqu'il n'en suscite guère plus en France, y compris au sein de son propre camp ? Sa réaction, lui qui perçoit derrière l'acharnement des deux juges (lesquelles ont, il est vrai, réservé à la fonction exceptionnelle qu'il a occupée un traitement qui ne l'est pas moins) une sorte de complot orchestré par son successeur et une sorte de "bunga bunga" judiciaire destinés à l'empêcher de concourir en 2017, devrait pourtant provoquer chez certains de ses ex-pairs africains une adhésion capillaire.
Eux aussi ont un mal fou à admettre qu'une justice puisse être indépendante du pouvoir exécutif, surtout quand elle les poursuit depuis l'étranger en vertu d'une compétence universelle qu'ils ne lui reconnaissent pas. Eux aussi redoutent, s'ils quittent le pouvoir, de voir ressurgir les fantômes du passé. Eux aussi s'exposent, à force de les mépriser et de les humilier, à être trahis par leurs plus proches collaborateurs.
Reste l'image de la France, de moins en moins compréhensible, de plus en plus insaisissable vue d'ailleurs. Une France illisible, en panne de leadership clair s'appuyant sur un courant politique fort et où la succession des affaires rend chaque jour moins improbable – et plus que partout ailleurs en Europe – l'irrésistible ascension de l'extrême droite.
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NDLR : Bunga Bunga est l'expression raciste utilisée par Silvio Berlusconi pour qualifier ses parties fines.
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