De notre correspondant à New Delhi,
C'est un exemple typique, et pour une fois bénéfique, du coup de projecteur apporté par les médias dans les affaires criminelles. Et les parents des deux adolescentes violées ont recherché cette attention. Ils ont attendu, avec courage et détermination, près d'une journée avant de descendre les corps de leurs enfants pendus à un arbre. Ils ont attendu que les médias se saisissent de cette image horrible pour que les autorités -qui se moquent généralement de leur sort- régissent. Et cela a fonctionné. Depuis deux semaines, la pression monte sur les autorités locales. Cinq hommes ont été arrêtés, trois ont été accusés de viol collectif et de meurtre, et deux policiers de complicité. Une rapidité rare dans des affaires similaires.
Pas de justice pour les basses castes
Face à l'émoi suscité par l'affaire, des habitants des environs, victimes d'injustices et de violences ont saisi l'occasion pour se faire entendre tel cet homme dont la soeur de 16 ans a été enlevée et violée ou encore un vieux monsieur dont l'épouse a été battue devant ses yeux. Des dizaines de gens sont ainsi venus dans ce petit village du district de Badaun, dans l'Uttar Pradesh, et tous ces cas ont un point commun : comme les deux adolescentes violées et tuées, les victimes sont de basse caste, des intouchables souvent, et les accusés de plus haute caste, des Yadav, généralement. Ces derniers possèdent en effet les terres, contrôlent les emplois dans l'administration et dans la police, jusqu'au poste de ministre en chef de toute la région. Ces notables sont protégés, et leurs crimes restent souvent impunis. Les parents des adolescentes violées ont ainsi témoigné qu'ils avaient été giflés par les policiers quand ils ont accouru pour leur demander de l'aide, alors que leurs filles venaient d'être enlevées. Cet exemple n'est que le reflet d'une discrimination plus large : selon une étude récente,un intouchable sur quatre a déjà été interdit d'entrer dans un poste de police. Il est difficile, alors, d'obtenir justice.
Une oppression quoditienne sur les intouchables
Le viol collectif d'une étudiante de New Delhi, fin 2012, avait créé une onde choc et une sorte de révolution sociale. Mais les villageois n'ont accès ni à Twitter ni à Facebook et leurs relais politiques sont minimes. Le gouvernement régional, qui continue à mépriser ces victimes, sort décrédibilisé de cette affaire et l'enquête va être transférée au bureau national d'investigation, pour plus d'indépendance. Mais le problème de fond, à savoir l'oppresion quotidienne des basses castes, demandera un changement profond des mentalités. Et nécessitera une vraie volonté politique de la part du nouveau gouvernement central de Narendra Modi, pour l'initier.
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