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Togo: politique du chaos, selon Kofi Yamgnane
18 septembre 2017   -   Par Kouamivi Sossou

Kofi Yamgnane s’est intéressé à ce qui se passe dans son pays de départ, le Togo. Pour l’ancien ministre français, l’indépendance du Togo a été « volée ». Pour le natif de Bassar, il ne trouve pas une raison logique pour que Faure Gnassingbé reste encore au pouvoir, « Faure doit partir ». Lire plutôt le brûlot qu’il a publié sur sa page Facebook ce lundi 18 septembre 2017.(crédit photo:lexpresse.fr)

Une indépendance volée

Le Togo a connu deux faits historiques « remarquables » au cours du XXe siècle : première colonie française à arracher son indépendance en 1960 et premier pays africain à subir un coup d’état militaire dès 1963, ourdi par la France et réalisé par un ancien sergent de la coloniale, Etienne Eyadema.
Depuis ce 13 janvier 1963, une nuit profonde s’est abattue sur le peuple togolais.

Une dictature à la coréenne

La dictature militaire d’Eyadema s’appuie à la fois sur son armée ethnique, entraînée, équipée et soutenue par la France et sur la bienveillance de cette dernière, alimentée par quelques valises bien remplies. Elle durera jusqu’à sa mort en 2005.

« C’est l’armée qui m’a offert le job », dit Faure Gnassingbé
À la mort du Général-Président, un de ses 110 enfants reconnus(!), Faure Gnassingbé, est désigné président par la junte militaire… Cette fois-ci, le coup d’état militaire déguisé est fortement contesté au Togo, et plus encore par la communauté internationale et notamment l’Union Africaine. La révolte du peuple togolais est violemment réprimée: environ 1100 assassinats et plus de 40000 réfugiés. Faure Gnassingbé arrive donc au pouvoir dans un bain de sang. Que dit la France ? Jacques Chirac, président, qualifie Faure de « mon fils africain » ! Une assurance tous risques ! Néanmoins, et sous la pression, Faure accepte de signer avec l’opposition, en 2006, l’Accord Politique Global (APG), qui fixe certaines avancées démocratiques. Si ces accords permettent le retour des aides européennes, ils ne seront jamais appliqués.

La peur doit changer de camp !

En 2008, j’abandonne tous mes mandats en France pour me consacrer uniquement et entièrement au Togo et me présenter aux élections présidentielles de 2010. Pouvais-je rester inactif face à la misère, à la souffrance et à la pauvreté de mon peuple ? Face à notre campagne de terrain approfondie et à la menace que je représente pour lui, Faure décide d’interdire ma participation au scrutin pour cause de date de naissance pas « claire » et de doute sur ma nationalité! Moi dont le placenta est enterré en terre bassar, comme le veut la tradition ! Le peuple n’est pas dupe.
Et donc à nouveau je me prépare pour les élections de 2015 en étant au Togo dès 2014. Une nouvelle fois, le régime m’en empêche par une manœuvre incroyable : il trouve en France des gens pour m’accuser de « trafic de cartes de séjour » contre une somme de 3000 euros ! Proprement affligeant ! Mais le mal est fait. Moralement, je suis blessé et matériellement empêché…

Mais ma campagne de proximité de 2009 a ouvert définitivement les yeux des Togolais et a implanté le ver dans le fruit : plus jamais rien ne sera comme avant. Notre slogan : « la peur doit changer de camp ! » est devenu réalité.

Et les temps ont changé aussi.
Pourtant aveuglée par son apparente toute-puissance, la junte n’a pas vu venir la mobilisation importante des populations togolaises ce 19 août 2017 : à l’appel du PNP, Parti National Panafricain fondé en 2014, les Togolais déferlent en même temps dans les rues de 5 grandes villes. C’est que le ras-le-bol des populations est à son comble devant tant de misère, devant cette dictature héréditaire cinquantenaire : c’est la Corée du Nord de l’espace francophone ! La junte réprime violemment les manifestants. On relève plusieurs morts, des centaines de blessés ainsi que des dizaines d’arrestations. Les jugements (à huis-clos !) sont rapides et les condamnations lourdes: jusqu’à cinq années de prison ferme ! Ce faisant, que recherche Faure sinon très clairement le chaos ?

Faure cherche la guerre civile

Pour entretenir ce nouvel élan, le PNP et l’opposition historique qui s’est jointe aux manifestations, décide un nouveau mouvement sur tout le territoire les 29, 30 et 31 Août 2017. La réaction du pouvoir est immédiate. Il programme les mêmes jours, à la même heure et aux mêmes endroits une contre-manifestation de son parti UNIR avec députés, ministres, président de la Cour constitutionnelle en tête pour « sauver l’État de droit et la démocratie » ! On croit rêver ! N’est-ce pas la preuve de recherche d’un affrontement direct, le chaos, la guerre civile ? Heureusement dans sa grande sagesse, l’opposition décide de reporter son mouvement aux 6 et 7 septembre, faisant ainsi preuve d’un sens aigu des responsabilités, à l’opposé d’un pouvoir aux abois !
Le 6 septembre, les Togolais étaient plus de 1 million dans les rues de Lomé !

Et que dit la Communauté internationale ?
Les points de vue changent aussi en Europe. L’Allemagne, ancienne puissance coloniale, refuse d’intégrer le Togo à la liste des pays africains pouvant bénéficier de son plan Marshall, pour montrer qu’elle considère le régime togolais comme infréquentable.
En France aussi les temps changent. Un nouveau président arrive avec de nouvelles options quant aux relations de la France avec l’Afrique. Mais surtout, comment ne pas remercier le ministre des Affaires Etrangères français, Jean-Yves Le Drian, qui a refusé, en sa qualité de Ministre de la Défense, sur des conseils avisés, de livrer les quatre hélicoptères de combat promis au Togo par l’ancien premier ministre M.Valls, contre, selon la presse togolaise, un cadeau de 7 millions d’euros, lors de sa visite à Lomé, pour se préparer à l’élection présidentielle française. Ah les vieilles habitudes ! Ce refus de mon ami Le Drian a évité, et je l’en remercie encore, un massacre lors des marches de l’opposition du 19 Août dernier, tant il est sûr que la junte en aurait fait usage.

Tout le monde sait aujourd’hui que Faure est l’élément de blocage de l’évolution des sociétés politiques africaines en étant le seul chef d’État de la CEDEAO à refuser de signer la charte de cette organisation, prévoyant de limiter les mandats présidentiels à deux exercices.
La realpolitik nous oblige aujourd’hui à dénoncer les dernières dictatures africaines, sources de déstabilisation régionale, et à promouvoir tout mouvement de démocratisation, seul garant de stabilité politique et de liberté des peuples.

Le peuple togolais a programmé d’autres manifestations dans les jours à venir, pour demander le départ de Faure. Il a compris que même avec les réformes promises dans la hâte, Faure restera au pouvoir, quitte à voler encore et toujours les élections. Il faut qu’il s’en aille. La situation togolaise est devenue très dangereuse. La junte n’hésite pas à brouiller l’Internet, les communications téléphoniques…, ni à fermer les frontières… Elle se prépare à massacrer mon peuple à l’abri de tout regard, en sachant pourtant qu’alors la précipitation du pays dans un océan de violence ne sera plus évitable !

Faure doit partir

Demander le départ de Faure, c’est simplement prendre conscience qu’aucune dictature au monde n’a quitté volontairement le pouvoir : eles ont toutes été chassées par l’indestructible volonté d’un peuple d’obtenir sa liberté.
Faure doit partir et il partira. C’est le sens de l’histoire.

Kofi Yamgnane

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