Considérée comme l’éternelle reine de la chanson togolaise, Bella Bellow disparaissait le 10 décembre 1973, alors qu’elle avait à peine 27 ans. Étoile filante de la musique africaine, elle était parvenue à se faire un nom en quelques années sur la scène internationale.
Quarante-cinq ans plus tard, ses quelques chansons enregistrées durant de sa très courte carrière sont devenues des classiques, frappés d’une forme d’intemporalité, qui continuent d’inspirer de nombreux artistes.
« Patience ! Le léopard ne se précipite pas. » Il y a quelques semaines, à Paris, au plus fort des célébrations du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, les paroles de sagesse de Bella Bellow ont résonné sous l’Arc-de-Triomphe, à travers la voix de la star béninoise Angélique Kidjo : devant un parterre de 70 chefs d’État réunis dans ce moment de solennité, son interprétation majestueuse et mémorable de Blewu, accompagnée par une discrète guitare électrique, n’a pas manqué d’émouvoir, entre puissance et nuances.
Un an plus tôt, en octobre 2017, dans un contexte diamétralement opposé – l’émission de télévision The Voice Afrique francophone –, c’est un autre titre phare du répertoire de la chanteuse togolaise qui a fait mouche en ressortant tout à coup du passé : Denyigban, dans une version réarrangée proposée par la candidate béninoise Hermence et qui a séduit immédiatement dans le jury, la Camerounaise Charlotte Dipanda. Aucune des deux n’était encore venue au monde lorsque Bella Bellow trouva la mort sur une route de son pays natal, en décembre 1973.
Elle s’apprêtait à franchir une nouvelle étape dans sa carrière en partant en tournée aux États-Unis avec Manu Dibango.
Le musicien camerounais venait tout juste de changer de statut grâce au succès international de Soul Makossa. Lui que l’on regardait jusqu’alors essentiellement comme l’organiste de Nino Ferrer était devenu en un tube le saxophoniste maître de l’afro funk. Sa collaboration avec la jeune togolaise avait débuté peu après que celle-ci soit arrivée en France, en 1968, aux côtés de son compatriote Gérard Akuesson, ancien chanteur reconverti en producteur. « Je me suis occupée d’elle musicalement », explique Manu Dibango dans le documentaire L’éternelle Bella Bellow. « C’était comme ma fille. Ma femme et moi, on l’avait adoptée. »
Une ascension spectaculaire
« Lors de ma précédente tournée africaine, j’ai eu le plaisir d’entendre Bella pour la première fois. Je fus vivement frappé par cette voix pure et chaude », écrit Akuesson au verso de la pochette du premier 45 tours en 1968. « Déjà l’avis des spécialistes est formel. C’est une chanteuse qui grimpera très vite à l’échelon international », peut-on encore y lire. L’ascension s’avère en effet spectaculaire pour cette artiste qui, à 20 ans, est dispensée de l’oral du BEPC pour aller représenter son pays au Festival des arts nègres à Dakar, en 1966. Partie suivre des études de secrétariat à Abidjan, elle se fait remarquer dans les médias ivoiriens, se retrouve à animer un gala de l’Office du tourisme africain à Genève, en Suisse.
L’enregistrement de Zelie et Rockia, ses deux premiers titres, produit des effets immédiats. Elle participe à l’Olympia en 1969 à La Nuit de la fraternité en hommage à Martin Luther King. À la radio et à la télévision française, elle enchaîne les émissions : Pulsations (où Manu Dibango dirige l’orchestre résident), Discorama…
Dans cette décennie qui suit les indépendances africaines, les artistes d’Afrique francophone sont encore très rares sur les ondes françaises, et Bella Bellow fait presque figure d’exception, avec la Sud-Africaine Miriam Makeba dont elle revendique l’influence –les journaux de l’époque rapportent que celle qu’on surnomme « Mama Africa » félicita chaleureusement Bella, rencontrée au festival d’Alger en 1969.
Cette même année, elle est sélectionnée (comme Herbert Leonard pour le Luxembourg et Rika Zaraï pour Israël) au quatrième festival de la chanson populaire à Rio, au Brésil. Au Ginásio do Maracanãzinho (« Petit Maracanã »), qui contient plus de 10 000 places, elle chante Bem Bem, paru sur l’un des autres 45 tours venu enrichir sa discographie. Guyane, Yougoslavie, Zaïre, Belgique…
La référence de la musique togolaise et africaine
Les concerts se succèdent et les portes s’ouvrent sous le charme de sa voix. Le temps d’une pause pour se marier et donner naissance à sa fille en 1972 et la voilà de nouveau prête à conquérir le monde, en optant avec Manu Dibango pour une formule différente sur le plan artistique, à l’image de Dasi Ko et ses effets à la guitare électrique, sur son dernier disque commercialisé.
Sa disparition brutale est un électrochoc. « J’ai écrit ma première chanson en 1973, quand Bella a trouvé la mort dans un accident de voiture », raconte Angélique Kidjo dans son autobiographie La Voix est le miroir de l’âme, parue en 2017. Bella Bellow figure sur son premier 33 tours enregistré en une nuit à Cotonou en 1981. Et trente-trois ans plus tard, elle reprendra Blewu pour son album Eve.
L’influence de la chanteuse togolaise, immortalisée sur les billets de 10 000 francs CFA en circulation en Afrique francophone, s’est affranchie aussi bien du temps et des générations que des frontières. Parmi ses compatriotes, elle demeure une référence, que ce soit pour le duo masculin Assou et Sevi qui lui a rendu hommage avec Alon, ou pour Vanessa Worou ou Afia Mala. Mais c’est aussi le cas au Cameroun, où la chanteuse Reniss s’est chargée l’an dernier de revisiter Zelie, tout en cherchant dans son clip à rappeler, de façon troublante, le souvenir de son auteur. Pour continuer à la faire vivre, à travers ses chansons.
Source: rfi.fr
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