En étendant le drapeau du Togo pour la première fois sur le toit de l’Afrique Severin Vias Adandogou a gravé ce 4 Septembre 2019 en Tanzanie son nom dans l’histoire de notre pays.
Armé d’une ténacité incroyable d’un dévouement exemplaire et au terme de plusieurs jours d’une ascension difficile il a pu fouler la cîme du Mont Kilimandjaro, le toit de l’Afrique. Il est le premier togolais à hisser le drapeau national à une hauteur de 5895 Mètres.
Le Kilimandjaro est une montagne située au Nord-est de la Tanzanie. Après son exploit, votre média Golfenews lui a rendu visite dans le sud de l’Allemagne où il vit depuis plus de 20 ans. A travers cet interview, réalisée le jeudi 19 septembre, il partage ses motivations et expériences, après l’ascension. Lisez son interview!
Qu’est-ce qui vous a amené jusqu’au Peak Uhuru, le sommet du Mont Kilimandjaro, le toit de l´Afrique ?
Mes motivations sont multiples : il y a le rêve d´enfance bien sûr, né de nos cours d´histoire et de géographie. Mais c´est surtout le ressenti d´un besoin personnel de dépassement de soi, cette soif constante de tester et de repousser nos limites dans plusieurs domaines qui ont été les moteurs les plus puissants dans la décision finale. Ensuite, vouloir réaliser tout ceci sur la terre africaine a donné naissance à ce challenge, une saveur particulièrement attrayante.
Comment avez-vous préparé l´ascension du Kilimandjaro ?
Très durement, très sérieusement sur plusieurs semaines, d´abord dans la forêt Noire ici en Allemagne, puis dans les montagnes des Palatines pour mieux simuler ou approcher l´idée de ce que l´ascension sera sur le terrain.
Des randonnées tous les weekends et l´entrainement psycho-émotionnelle en salle pour être en mesure de faire face à l´imprévu.
Ensuite, il a fallu bien choisir son matériel de la meilleure qualité possible, le tester encore et encore pour s´y habituer.
Comment avez-vous vécu l’expérience et qu’avez-vous appris de l´ascension au sommet du Kilimandjaro ?
L´expérience est arrivée comme une cascade de surprises :
D´abord, s´imaginer le Mont Kilimandjaro est une chose, mais quand tu vois la montagne pour la première fois en vrai, tu comprends pourquoi les Tanzaniens eux-mêmes ont un profond respect pour le Kilimandjaro. C´est très grand ! Et tu as l´impression que plus tu l´approches plus la montagne grandit.
C´est le moment où tu te demandes quelle mouche t´a piqué de vouloir aller à son sommet.
Ensuite, il faut savoir que pour aller au sommet, il faut passer par 5 zones climatiques différentes : de la forêt équatoriale au pieds de la montagne jusqu´au climat arctique avec des glaciers éternels au sommet complètement au-dessus des nuages.
Donc les paysages sont vraiment saisissants de beauté et chaque jour tu es dans un nouvel environnement.
Il y aussi les surprises nées des réactions de ton corps au fur et à mesure que tu montes. Rien ne peut vous préparer valablement au mal des montagnes : le manque d´air qui devient rare au fur et à mesure que tu montes avec comme conséquence ton rythme cardiaque qui augmente fortement et rapidement.
Il y a aussi la baisse d´oxygénation dans ton sang qui fait que ton corps va tirer toutes les sonnettes d´alarme pour te faire renoncer à la montée : vomissements, vertiges, maux de tête très aigus, le manque d´appétit, la sensation d´étouffement, les mains qui gonflent et surtout la faiblesse musculaire accrue de tout ton corps qui font que chaque mouvement ordinaire semble coûter une quantité infinie d’énergie.
Vos attentes sont-elles comblées ?
En termes de surprises et de défis oui, mais toutes les surprises ne sont pas forcément bonnes.
Il y a surtout la dernière étape de l´ascension du Base Camp à 4780 Mètres au Peak Uhuru à 5895 Mètres qui a été tout simplement exécrable et inhumaine par sa dureté : Ce fut 7 heures et demi (10 :30 du soir à 06 :00 du matin) de montée continue et pratiquement sans repos de pente très raide de chemins sinueux en pleine nuit par un froid arctique pénétrant de -27°C avec l´air qui devient de plus en plus rare où tu respires la bouche ouverte comme quelqu´un qui se noie pour essayer d’aspirer un air qui n´existe presque pas.
Ce fut péniblement très long et franchement cauchemardesque. Beaucoup de compagnons ont refusé le défi, certains ont vite abandonné après avoir commencé, vaincus par les conditions atmosphériques très sévères de la montagne. Stefan ( un compagnon alpiniste allemand qui a fait aussi l’ascension) et moi avons flirté sérieusement avec la mort, mais nous avons tenu jusqu´au bout.
A 06 :00 après un effort surhumain nous avions atteint Stella Point (il est situé à 5756 Mètres du Mont. Un point certifié par les autorités tanzanniennes). Le jour s’est levé. L’arrivée au Peak Uhuru situé plus d´une centaine de Mètres plus haut fut comparativement à l´accès au Point Stella beaucoup plus facile : si l´air était toujours aussi rare peut-être encore plus, la pente était devenue moins raide. Une heure plus tard nous étions au Peak Uhuru qui en Swahili veut dire Liberté : pour nous aussi ce fut une délivrance.
Pourquoi vous avez étendu le drapeau togolais à cet endroit ?
Pourquoi pas justement ? Je suis venu sur cette planète, en ce temps, dans ce pays nommé le Togo. J´y ai grandi, fait et fini mes études universitaires. Ce sont mes racines, ma première identité, celle de mes ancêtres, celle qui compte pour moi.
C´est aussi à ses habitants qui sont mes frères et sœurs que cela peut apporter le plus d´inspiration. Pour moi ce fut une question de fierté, la chose la plus naturelle au monde.
Qu´avez-vous appris de l´expérience de l´ascension du Kilimandjaro?
Oh ! Plusieurs choses : il y a un sens d´accomplissement puissant à réaliser ses rêves d´enfance. Ensuite au plus fort des difficultés, j´ai appris qu´il y a en nous une intelligence forte qui peut dépasser les reflexes de survie et qui attend que nous testions en vrai nos limites pour se révéler et nous permettre de réaliser le soi-disant impossible.
J´ai aussi vu que cela commençait par inspirer certains et ce fut à la fois une surprise et un bonus de voir que cela pouvait tirer les gens vers le haut.
Vos projets après le mont Kilimandjaro ?
Continuer la vie professionnelle et personnelle discrète et efficace que j´ai eue jusqu´ici. J´y ai bien sûr des objectifs clairs, mais ils sont de l´ordre de ma vie privée.
Merci Severin Vias!
C’est à moi de vous remercier.
Interview réalisée par K. Sossou
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